Ecrit dans le sable, soumis à l'érosion par les brasseurs d'air et piétiné par les gens "qui n'ont pas vu", le devoir de mémoire doit être perpétuellement réinscrit pour ne pas voir disparaître avec lui ce que nous sommes et d'où nous venons, sous peine d'oublier les responsabilités et les attentions que nous imposent notre place dans le monde.
Ce n'est pas une sculpture sur l'esclavage, mais sur les Antilles d'aujourd'hui, à l'heure de la fin de la repentance et des bienfaits de la colonisation comme politique de civilisation.
Horizontal et vertical, puissant et fragile, massif et aérien, noble mais mis à nu, mutilé, suspendu comme un pantin entre ciel et sable, entre passé et futur, viscères (des déportations transatlantiques et occidentales, blanches) tombant jusqu'au sol, lambeaux de la blessure océane au vent, les bras écartés comme pour repousser les murs d'une cellule qui se refermerait sur lui ou comme pour s'élancer dans le vide, ce gardien ancestral est bien vivant et nous impose le respect qui lui est dû et le souvenir, le devoir de mémoire.
Ce colosse de métal aux mains puissantes est l'action, mais amputé de sa liberté de mouvement, de son intégrité. Il implique la question de la partie manquante.
La réparation est-elle possible ? A l'evidence non. Mais la justice ?
"Devoir de mémoire" et "la dette" fonctionnent en dyptique, à distance l’une de l’autre.
Elles ont été tressées avec des lames de fer provenant de l'ancienne usine "Darboussier" de traitement de la canne à sucre à Pointe-à-Pitre, où elles servaient au cerclage des tonneaux de rhum.
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